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Kancheli, Deleuze, Tulve

L’œuvre du grand compositeur géorgien Giya Kancheli, disparu fin 2019, révèle un profond mysticisme. Elle explore avec expressivité la dimension métaphysique de l’être humain, entre quête de perfection et illumination. Pour rendre hommage à ce brillant compositeur cher à Musiques Nouvelles, l’ensemble interprète Exil, l’un de ses opus phare, sorte d’oratorio qui déroule, en pulsation calme, douce et pénétrante, des poésies de Paul Celan et de Hans Sahl
Ce chef d'oeuvre sera précédé par la création mondiale de The Primeval Atom de Jean-Pierre Deleuze et par la création belge de Stream 2 Emergence II. Sans fond ni rivages de l'estonienne Helena Tulve.

Musiques Nouvelles, direction Jean-Paul Dessy.
 
Programme :
Jean-Pierre Deleuze, The Primeval Atomcréation mondiale (co-commande Ars Musica & Musiques Nouvelles)
Helena Tulve, Stream 2 Emergence II. Sans fond ni rivages, création belge 
Giya Kancheli, Exil.

Coproduction :  Mars-Mons arts de la scène/Musiques Nouvelles, Bozar, Ars Musica

Réservations ouvertes ici 

The Primeval Atom

Le titre The Primeval Atom fait directement référence à l’ «hypothèse de l’atome primitif» que Georges Lemaître a élaborée pour expliquer le début temporel de l’Univers.

Né à Charleroi en 1894, il était prêtre, mathématicien, physicien théoricien, remarquable cosmologiste et, dès 1927, professeur d’astrophysique à l’Université catholique de Louvain.

L’année 1922 - il y a cent ans - marque d’une certaine façon le début de sa carrière scientifique : il rédige un mémoire sur La Physique d’Einstein qui lui permettra d’être sélectionné l’année suivante comme chercheur associé à l'Université de Cambridge où il travailla avec Arthur Eddington qui l'initia à l'astronomie stellaire. En 1925, il s'inscrit au programme de doctorat en sciences au Massachusetts Institute of Technology. En 1927, il publie un rapport dans les Annales de la Société Scientifique de Bruxelles dans lequel il présente le modèle théorique d’un univers en expansion à partir des équations de la relativité générale. Cette théorie devint plus tard connue sous le nom de loi de Hubble, même si Lemaître fut le premier à fournir une estimation observationnelle de la constante de Hubble. La proposition de Lemaître a rencontré dans un premier temps le scepticisme de ses collègues scientifiques et parmi ceux-ci, Eddington, et même Einstein qui l’estimait injustifiable d'un point de vue physique.

Par la suite, la théorie de Lemaître est devenue plus connue sous le nom de « théorie du Big Bang », un terme pittoresque inventé de manière ironique par l'astronome britannique Fred Hoyle qui est resté partisan de l'univers en état d'équilibre jusqu'à sa mort en 2001.

C’est donc en hommage au génie scientifique de Georges Lemaître que j’ai souhaité composer pour l’ensemble Musiques Nouvelles cette fantaisie allégorique, traduction sonore de la réception toute subjective dans mon imaginaire de cette théorie de l’origine de notre Univers et nourrie par les récentes images fabuleuses captées par le télescope James Webb.

Jean-Pierre Deleuze


Helena Tulve

Emergence II. Boundless, Shoreless


Helena Tulve a étudié la composition à l’Académie de musique d’Estonie avec Erkki-Sven Tüür et a poursuivi sa formation à Paris avec Jacques Charpentier au CNSMD de Paris. Elle a également étudié le chant grégorien et la musique traditionnelle. Tulve s’est aussi formée auprès de György Ligeti, Marco Stroppa et à l’IRCAM. À travers sa musique, elle s’intéresse au changement perpétuel ainsi qu’aux processus liés au temps, à l’espace et à la transformation de l’énergie.

Dans la théorie générale des systèmes, l’émergence désigne une propriété ou un comportement d’un système complexe, qui se distingue des propriétés des parties du système à partir desquelles il émerge. Le terme « émergence » a des significations alternatives telles que venir à l’existence ou devenir visible.

Le verbe latin emergere ajoute quelques nuances supplémentaires : mettre en lumière, s’élever, prendre forme, devenir perceptible.

Le sous-titre « Boundless, Shoreless » (Sans fond ni rivages) – se rattachant au concept persan de lā-makān (un lieu sans lieu) – fait allusion au foyer originel de l’âme humaine d’où celle-ci émerge et vers lequel elle est destinée à retourner après la mort. Ce non-lieu nous appelle depuis le royaume de l’unité au-delà de l’espace et du temps par le biais d’un son, d’une lumière, d’un rêve, d’un souvenir lointain – désir intérieur de l›infini des cieux, de l'océan sans limites et sans rivages.

La version originale de la pièce a été commandée et créée par l’ensemble TM+ en collaboration avec l’artiste visuelle Justine Emard qui a créé une installation sonore d’objets en verre faisant partie de la pièce. Dans la nouvelle version créée par Musiques Nouvelles, les sons de cette installation ont été retravaillés et transformés en un paysage sonore électronique.

 

Giya Kancheli

Exil

Le compositeur géorgien Giya Kancheli (1935- 2019) a défini sa musique comme « une page blanche avec une faible trace de larme séchée ». Il a également déclaré à ce sujet : « Je serais heureux que mes œuvres soient perçues comme une tentative de sortir des ténèbres vers la lumière. »

Si son œuvre révèle un profond mysticisme, elle se dégage toutefois de toute religiosité orthodoxe. Incantatoire, elle explore avec expressivité la dimension métaphysique de l’être humain, entre ascèse et illumination.

Dans Exil, pour soprano, instruments et bande magnétique, une pulsation lente, calme et douce envahit la quasi-totalité du cycle qui se décompose en cinq mouvements : Psaume 23, puis Einmal, Zäkle die Mandelin et Psaume du poète d’origine roumaine et de langue allemande Paul Celan (1920- 1970) qui prit la nationalité française en 1959 enfin Exil de l’Allemand Hans Sahl (1902-1993), expatrié aux États-Unis.

Au-delà du « je » qui souffre d’être privé de ses racines, une même quête d’identité unifie ces multiples voix nées de l’exil dans un silence que Kancheli qualifie d’« habité », un silence vivant, vibrant au-delà des limites du soi dans une fulgurante éternité poétique. En 1994, Giya Kancheli dédie le cycle Exil à Manfred Eicher, fondateur du label ECM. À cette époque, le compositeur habite encore Berlin qu’il quittera en 1995 pour s’installer à Anvers.


Représentations passées

23/11/2022
Bozar Salle M -