Musiques Nouvelles, direction Jean-Paul Dessy (violoncelle)
André Ristic (sampler) - Céline Lory (piano) - Louison Renault (percussions) - Hughes Kolp (guitare électrique) - Charles Michiels (clarinette)
GUEST : Auryn *
Programme
Arrangements et création de Stéphane Collin :
Music for Airports
By this river *
Altaïr
Julie with her open blouse *
À la manière et sur le nom complet de... Brain One (Stéphane Collin) - création mondiale
Sky Saw
Présentation du concert
En février dernier, l'Université catholique de Louvain accordait à Brian Eno le titre de Docteur honoris causa. Occasion de rendre hommage à la musique de celui qui fut non seulement co-fondateur de Roxy Music, collaborateur de la «trilogie berlinoise» de David Bowie et producteur de génie, mais aussi auteur d'une série d'albums solos déterminants.
Chansons, instrumentaux ou morceaux ambiants, le Botanique a réuni pour ce concert plusieurs artistes belges pour des covers de titres d'Eno : Musiques Nouvelles, l'Ensemble Temporain et Gauthier Keyaerts.
Note de Stéphane Collin
Je ne connaissais Brian Eno que de réputation ; j'ai donc découvert son œuvre en travaillant sur ce projet.
À mon sens, la musique d'Eno, pourtant si évidente pour bon nombre de ses auditeurs, demandera pour d'autres (comme pour moi) une initiation particulière, tant les codes musicaux qu'il emploie peuvent paraître singuliers.
C'est un peu comme la peinture naïve du Douanier Rousseau, il ne faut pas y chercher ce qui ne s'y trouve pas, comme les effets de rendu des matières, les effets d'éclairage savants, les effets de perspective vertigineuse, les effets de référence historique, les anatomies exactes, etc. Et lorsque ce qui s'y trouve est d'une nature inconnue à notre habitude, comme l'omniprésence du vert dans toutes ses déclinaisons douces, l'aplat des végétations sur toute la surface du tableau, le cadrage favorisant l'immersion complète dans une nature faite de feuilles exotiques, la stylisation simpliste et pourtant nullement enfantine des personnages, eh bien il nous faut une clé pour nous y ouvrir, sous peine de rester dehors et de passer à côté d'une expérience esthétique remarquable.
J'ai eu d'abord ce sentiment de simplicité, pour moi extrême, en abordant cet univers d'où sont bannis les harmonies subtiles, les formes ingénieuses, les passages virtuoses, les sonorités épatantes et souvent même les mélodies anthropomorphiques.
Juste des espaces sonores qui, pour peu qu'on s'y abandonne, invitent à l'immersion tranquille et contemplative.
Mais quand les barrières de méfiance se sont levées, j'ai découvert un univers qui fourmille d'éminences et qui prodigue un bien-être proprement addictif.
Autant mes tentatives de rhabiller un peu cette musique trop nue à mon goût m'ont voué au constat que ce faisant je sortais lamentablement du style de l'auteur, autant mon observance de ses préceptes m'a donné cette clé dont j'avais grandement besoin pour me rendre perméable à la charge sémantique particulière et hautement jouissive qu'elle contient.
C'est dans cet esprit, et dans celui des maîtres auxquels Brian Eno lui-même se référait (je pense entre autres à John Cage) que j'ai tenté d'inclure dans le programme proposé une pièce intitulée À la Manière et sur le Nom Complet de Brian Eno, basée sur un algorithme original transformant les lettres de son nom complet en une série de notes jouées aux cloches tubulaires accompagnées par un paysage sonore de synthétiseur.
Brain One
Texte de Franck Mallet, paru dans le mensuel Art Press n°271 de septembre 2001 :
"Artiste, producteur, vidéaste et collaborateur inspiré de nombreux musiciens, dont Roxy Music (qu'il co-fonde en 1972), David Byrne, David Bowie, U2, Jon Hassell ou Harold Budd, mais aussi Laurie Anderson, John Cale, Gavin Bryars, Robert Fripp, Terry Riley ou Russell Mills - pour n'en citer que quelques-uns -, Brian Eno transcende les principes du minimalisme, à l'image des accords de The Drop (l'un de ses derniers disques majeurs en solo) qui participent d'un assemblage savant de miniatures délicates, envoûtantes et elliptiques. Isolés, ces accords n'existeraient pas, telles les structures sonores de John Cage et Morton Feldman déterminées par le hasard, animées seulement par l'esprit des interprètes qui donnent l'orientation. L'idée d'une musique conceptuelle, sans racines, ni repères, ni sens défini, a toujours préoccupé le musicien, depuis Discreet Music 1, en 1975 - dont l'idée est née de manière fortuite -, qui fixe le principe d'une surface lisse, un trou noir, captant l'imagination comme un mobile de Calder attire réflexion et lumière. Trois ans plus tard, avec la complicité de l'ex-Soft Machine Robert Wyatt, il est l'initiateur du concept d'ambient music avec Music for Airports : une musique discrète, aux attaques à peine perceptibles, mais qui ne cherche pas non plus à sécuriser l'auditeur, dans le cadre d'un lieu public comme celui d'un aéroport, en reproduisant un air facile, une rengaine :
C'est une couleur particulière. L'ambient est conçue pour inciter au calme et susciter un espace de réflexion. Elle doit pouvoir satisfaire à plusieurs niveaux d'attention auditive sans en imposer un particulier. (Brian Eno)
Avec Thursday Afternoon (1985 et surtout Neroli (Thin King Music, part IV - 1993), il prolonge le concept d'une 'musique fonctionnelle', qui suggère plus qu'elle n'impose, encore plus subtile par son harmonie profonde et moirée. Chaque son, suspendu par la traîne de sa résonance, tournoie comme une sphère dans un espace très organique : une musique à penser."
Représentations passées
04/05/2013
Museum - Botanique - 1210 Bruxelles