L'Ensemble Musiques Nouvelles et Aragon - Levinas au Botanique
Michael Levinas est appelé à inaugurer ces résidences triennales, qu'un premier concert vient d'illuster, oragnisé en collaboration par le Botanique et la Philharmonique. Pianiste et compositeur né en 1949, Michael Levinas est un créateur que l'on classera par commodité dans ce qu'on appelle la mouvance "spectrale": sa musique explore les propriétés acoustiques du son, qu'elle annexe en une gamme de coloris riches et diversifiés.
Levinas avait d'ailleurs tenu à rendre hommage à deux grands précurseurs, en programmant dans ce concert des pièces de Debussy et de Giacinto Scelsi (mort en 1988). Du premier, on a pu goûter aux résonances rêveuses et volubiles de trois "Préludes" pour piano ("Brouillards", "Les fées sont d'exquises danseuses" et "Feux d'artifice"), que Boyan Vodenitcharov a distillés dans un subtil mélange de précision et de suggestion évocatrice. De Scelsi, Jean-Paul Dessy a déclamé en grand seigneur toute le théâtralité contrastée du magnifique "Dithome" pour violoncelle seul.
La musique de Levinas lui-même occupait évidemment une place importante, tout au lond de cette soirée. On a pu savourer le raffinement sonore des splendides pièces pour fûte seule que sont "Froissements d'ailes" et "Arsis Thesis", que Catherine Binard a habitées de son immense talent, soufflant la poésie du vent et des oiseaux en un chant envoûtant, mystérieux et sensuel. "Rebonds" est une pièce pour récente, écrite pour un ensemble plus fourni, que zèbrent les éclairs saisissants de trois pianos accordés de manière étrange (en quarts et seizièmes de tons).
Patrick Davin et ses musiciens en ont fort bien souligné toute la tension dialectique, tous les allers et retours entre l'apaisement et la virtuosité scintillante.
Fortement colorée est aussi l'oeuvre qu'on a pu entendre en création mondiale, spécialement écrite pour Musiques Nouvelles. "Les Aragons" (trois mélodies sur "Les Yeux d'Elsa") fait appel à un ensemble au sein duquel on trouve des instruments comme le cymbalum, la guitare électrique et l'accordéon, qui colorent de leurs sonorités inhabituelles la partition dévolue à la mezzo-soprano. La musique en est mouvante et moirée, se déployant comme un éventail d'images où se croisent l'amour et l'humour, le souvenir et l'inconnu. L'aspect un peu "Piaf" de la mezzo Roula Safar (dont il faut applaudir la souplesse vocale et l'intelligence musicale) ajoute encore au côté nostalgique d'une oeuvre qui ne craint pas de mélanger les accents les plus modernes aux réminiscences les plus canailles (ne reculant pas devant les flonflons d'une valse qu'on nous permettre de trouver un tantinet trop "littérale", dans la troisième pièce).